Pascal Burgard du blog La Vida au Mexique, un jeune français expatrié au Mexique depuis septembre 2007 nous partage son expérience riche de 13 ans d’expatriation, de l’Angleterre au Mexique en passant par l’Irlande.
Je m’appelle Pascal et j’ai aujourd’hui 35 ans. Je suis un alsacien « pure souche » comme on dirait : mes parents, mes grands-parents et mes arrière-grands-parents, tous nés en Alsace, ont vécu toute leur vie dans cette région.
A l’école, j’étais un « scientifique » bien plus qu’un « littéraire ». J’adorais pourtant l’anglais. J’aimais la sonorité de la langue bien-sûr, mais aussi la capacité qu’avait l’anglais à me faire voyager ; je m’envolais par la pensée depuis la salle de classe de mon collège situé dans un petit village de la campagne française, jusque sur cette île encore inconnue qui se dressait de l’autre côté de la Mer du Nord. Je me sentais attiré par le mystère, par l’aventure, par celui qui est différent.
Un voyage scolaire effectué en Angleterre l’année de mes 15 ans a achevé de me convaincre de ce que je sentais déjà au fond de moi comme une évidence : je voulais pouvoir, un jour, vivre l’expérience de résider à l’étranger, de partir à la découverte d’une culture différente de la mienne, et de pouvoir m’exprimer du matin au soir dans une autre langue.
J’ai vécu ma première expérience d’expatriation l’été de mes 21 ans. J’avais réussi à me trouver un « job » au Royaume-Uni qui allait me permettre de financer un séjour de 2 mois. Ce fut avant tout la récompense d’une grande persévérance puisque j’avais dû essuyer plus d’une centaine de refus avant d’être enfin accepté comme stagiaire dans une entreprise ! Cet été 2001 fut rempli d’aventures et de découvertes en tout genre, si bien que je décidai de remettre ça l’année suivante, mais dans un cadre un peu plus sérieux cette fois-ci : en effectuant un stage d’étude de physique appliquée, à nouveau en Angleterre.
A la fin de mes études, l’envie de poursuivre l’aventure à l’étranger était toujours aussi présente dans mon esprit. J’avais envie de repartir, mais dans un autre pays cette fois-ci. Je choisis l’Irlande, un peu par hasard. Je m’appliquais surtout à ne rien prévoir, à ne rien planifier : je ne voulais pas chercher de travail à l’avance, je ne voulais faire aucune recherche ; je voulais juste poser mes valises et pour une fois me laisser porter par les événements.
Le hasard a voulu que mon arrivée en Irlande coïncide avec l’époque du « Celtic Tiger », une période de forte croissance économique dans tout le pays. Le secteur qui à ce moment-là recrutait des jeunes diplômés à tour de bras était l’informatique. Je décrochai mon premier travail chez IBM.
Je connaissais les bases de l’informatique, mais sans plus : un peu de programmation, quelques connaissances en réseaux. Pourtant ce n’était pas un frein dans ce pays de mentalité anglo-saxonne qui prône la « go for it attitude ». En d’autres termes, les gens là-bas accordent bien moins d’importance aux connaissances que possède une personne au moment de l’embauche qu’à sa capacité à apprendre et à assimiler des connaissances nouvelles. Ça tombe bien : j’ai l’esprit vif et j’apprends vite. Les anglo-saxons adorent ça.
J’ai poursuivi mon parcours professionnel en Irlande en m’efforçant de toujours continuer à apprendre et à rester attentif aux opportunités qui se présenteraient : c’est ainsi que j’ai pu décrocher une promotion pratiquement chaque année et que je suis passé d’IBM à HP, puis à ACS, et que j’ai doublé mon salaire en moins de 3 ans !
Si mon aventure en entreprise me donnait entièrement satisfaction, ma vie irlandaise commençait lentement à se banaliser : l’excitation de la découverte a peu à peu laissé place à la routine. Je dominais déjà trop bien l’anglais. L’Angleterre et l’Irlande n’avaient plus que très peu de mystères à me proposer. Je commençais alors à ressentir une certaine nostalgie de ces grands moments de bonheur de ma vie de collégien pendant lesquels je découvrais, patiemment, l’anglais et l’Angleterre.
Alors, j’ai cherché à revivre ces émotions en étudiant une autre langue. J’ai choisi l’espagnol, presque arbitrairement. Je ne parlais pas un mot d’espagnol et je n’étais jamais allé en Espagne, mais j’avais toujours beaucoup aimé la sonorité de cette langue. J’espérais que l’espagnol devienne en quelque sorte mon passeport vers de nouvelles aventures.
La vie est pleine d’opportunités qui ne demandent qu’à être saisies.
Il suffit d’être attentif et de savoir ce qu’on veut. C’est ainsi que, tout en étudiant l’espagnol, je cherchais la manière de rendre une nouvelle expatriation possible tout en restant cohérent d’un point de vue professionnel. La solution est finalement apparue au sein même de mon entreprise : dans le cadre d’un projet, une délégation mexicaine est arrivée à ACS Irlande. J’ai sympathisé avec mes collègues latinos qui m’ont appris qu’ils recherchaient justement des personnes ayant mon profil pour compléter leur équipe. Deux semaines après leur départ, je demande ma mutation au Mexique, un pays où je n’étais encore jamais allé et dont je ne connaissais pratiquement rien. La démarche dure 6 mois, mais ma demande est finalement acceptée. En septembre 2007, je m’envole pour l’Amérique.
La mentalité « latino » est très différente de la mentalité anglo-saxonne, mais en arrivant au Mexique et pendant les 7 années qui suivront, je ne travaillerai que pour le compte d’entreprises nord-américaines qui imposent leur mentalité et leur modèle de travail à leurs employés partout dans le monde. La « go for it attitude » reste de mise, et je continue avec cette mentalité de toujours apprendre et de toujours oser. C’est ainsi qu’on me confie un poste de « Manager » dès l’année suivante alors que je n’ai que 28 ans. C’est aussi comme ça que, quelques années plus tard, je me retrouve à un poste d’architecte chez Dell à Guadalajara, le plus haut poste technique de tout Dell Mexique ! Pas mal pour quelqu’un qui, au cours de sa scolarité, n’a jamais vraiment étudié l’informatique. Ni l’espagnol d’ailleurs…
Il est évident que si j’étais resté en France, ma carrière aurait été très différente. Tout d’abord parce que dans la mentalité française, le parcours professionnel doit – au moins au début – être l’extension de la formation académique. En d’autres termes, je ne pense pas que j’aurais pu passer aussi simplement de la physique à l’informatique. Les français ne sont pas aussi souples de ce point de vue-là que les anglais ou les américains. J’ai aussi le sentiment que ma progression aurait été plus lente et que j’aurais été victime du critère de l’âge (« trop jeune pour un tel poste »). Enfin si j’étais resté en France, je n’aurais sans doute pas eu l’idée et le désir de continuer à apprendre des langues (j’en parle aujourd’hui 5, j’avais étudié l’allemand au collège et au lycée, et à Guadalajara je me suis mis au portugais).
Ce qui me rend le plus fier, au travers du parcours que j’ai effectué jusqu’à présent, c’est d’avoir su être d’une certaine manière l’artisan de ma propre vie. J’ai vécu ce que j’avais toujours voulu vivre, et bien au-delà. J’ai le sentiment que tout est possible à force de volonté et de travail. C’est quelque chose de très excitant qui me procure beaucoup d’enthousiasme pour les années à venir.
Prenez garde tout de même parce que l’expatriation n’est pas faite pour tout le monde ! Lorsqu’on part vivre à l’étranger, on doit s’attendre à ce que nos certitudes se retrouvent – dans une certaine mesure – ébranlées. Lorsqu’on s’expatrie, on quitte en effet certaine réalité, un certain environnement, pour aller en épouser un autre. On perd un peu ses repères. On se retrouve soudain face à des personnes qui ont une manière de penser, des valeurs différentes aux nôtres – mais qui sont pourtant tout aussi valables. Bien-sûr ces changements peuvent être plus ou moins radicaux, ce n’est pas du tout la même chose si vous partez vous expatrier en Suisse ou en Chine ! Ceci dit même dans un cas que je qualifierais « d’intermédiaire » comme le Mexique ça peut être un peu déstabilisant.
On peut aussi se retrouver nez-à-nez avec certaines situations dont on connaissait l’existence, mais qui paraissaient « lointaines » dans notre pays d’origine. Je savais par exemple que la corruption existait dans certains pays, mais j’ai été marqué lorsque j’ai vu pour la première fois mon chauffeur de taxi mexicain descendre de la voiture et glisser un billet de banque à un agent de police qui l’avait arrêté pour éviter de se prendre une amende (je me suis rendu compte depuis que c’est quelque chose de banal ici…). De même, je savais que des gens pouvaient se faire kidnapper, mais j’ai été horrifié lorsque j’ai vu une telle scène se dérouler sous mes yeux… Personnellement, je suis heureux d’avoir pu vivre ces expériences – et bien d’autres – parce qu’elles me permettent d’avoir aujourd’hui une vision plus complète et plus juste du monde. Mais tous ne réagiront pas de la même manière face à ces réalités.
L’inverse est aussi vrai : l’expatriation est une formidable opportunité d’affiner les valeurs que nous a légué le pays de notre enfance. Face à la discipline et à la – relative – froideur des alsaciens, le côté jovial, fraternel, extroverti et désordonné des mexicains représente un véritable choc culturel, et j’ai tendance à dire que depuis que je vis au Mexique je suis sans doute « moins travailleur, mais plus heureux qu’avant ».
Si j’avais un conseil à donner à un jeune diplômé qui souhaiterait s’expatrier, ce serait sans doute d’avoir l’attitude la plus flexible possible face aux événements et aux opportunités qui se présenteront à lui. Vous ne trouverez peut-être pas le poste que vous recherchez dans le pays qui vous attire, et après ? Cela ne signifie pas pour autant que le pays dans lequel vous irez sera moins intéressant, ou que le poste en question ne vous permettra pas de réaliser une belle carrière.
Vous êtes à tout moment maître de votre destin, et il ne tient qu’à vous de saisir toutes les opportunités que vous offre la vie en permanence. Où que vous soyez.